Elle n’en pouvait plus ! Angela
Kpeidja ne supportait plus le harcèlement sexuel et moral qu’elle subissait à
l’ORTB et elle l’a exprimé le 1er mai 2020 sur les réseaux sociaux,
à l’occasion de la fête du Travail. La mauvaise conduite était devenue la
norme, dans des maisons de production audiovisuelle et au sens large dans
l’administration publique et les entreprises privées, avait exaspéré l’ancienne
Chef Desk Santé de la Chaine nationale. Au lendemain de cette dénonciation, la déferlante
vague de témoignages complémentaires par vidéos ou écrits d’anciens animateurs
ou acteurs des médias locaux, anciens stagiaires dans l’administration publique
et bien d’autres, ont fait le tour de l’internet pour enfoncer le clou et déballer
sur la place publique, les dessous du monde des médias, tout comme celui de
l’administration.
Pour confirmer que rien ne lui échappe,
le premier magistrat du pays, le Président Patrice Talon a rencontré quelques
jours plus tard dame Angela et les responsables de l’Office incriminé. Dans son
adresse sur Facebook aux sorties de ladite rencontre, le Président a déclaré
s’être “intéressé au sujet, convaincu
que de nombreuses femmes béninoises, dans le cadre de leur travail, peuvent
être sujettes à ces pratiques répréhensibles. » . Il a renchéri en
martelant la nécessité «d’offrir les
conditions idoines aux victimes afin qu’elles puissent se faire entendre,
dénoncer leurs bourreaux pour que justice leur soit faite. C'est pourquoi le
Gouvernement ne manquera pas d'engager des actions hardies en vue d’assurer une
meilleure protection aux femmes afin de les encourager à briser la loi de
l'omerta. ».
C’est dire que le Président de la
République s’est engagé dans le combat contre le harcèlement en milieu de
travail, tout comme il l’a fait contre la corruption et les pourboires
dans l’administration publique. Et c’est bien à propos ! En effet, le harcèlement sexuel peut
se produire dans n'importe quel milieu de travail, d'une usine à un bureau,
d’un magasin à une école, dans le commerce comme dans les institutions
internationales. En conséquence, le
harcèlement peut empêcher les victimes de gagner leur vie, de faire
leur travail efficacement ou d’atteindre leur plein potentiel et leur vision.
En fait, le président Patrice Talon s’est rendu compte
que le dispositif législatif mis en place, notamment les lois 2006-19 du 17 juillet 2006
portant Répression du harcèlement sexuel et protection des Victimes en
République du Bénin et n ° 2011-26 du 09 janvier 2012 portant prévention et
Répression des violences Faites aux femmes, ne pourraient suffire pour endiguer le
mal : il faut davantage son implication personnelle. Cet engagement doit
être entendu comme une volonté plus forte de faire respecter les lois ci-dessus
citées, et en conformité avec la Charte Africaine sur les Valeurs et les
Principes du service public et de l’Administration que le Bénin a ratifiée le
28 mars 2019. Ladite Charte fait l’obligation aux Etats l’ayant
ratifiée de promouvoir, entre autre le « professionnalisme et l’éthique dans
le service public et l’administration » et à l’administration de « protéger ses agents contre toutes formes de
menaces, d’insultes, de harcèlement ou d’agression » (Article 16 alinéa 2).
Dans ce cadre et loin des polémiques qui
pèsent sur elle en ce qui concerne les questions de valeurs et d’éthique,
l’administration béninoise doit pouvoir saisir l’opportunité de rendre plus
durable et efficace, dans la mesure du possible, les actions de lutte contre le
harcèlement en milieu du travail, du moins, dans la fonction publique. Pour ce faire,
les pistes suivantes peuvent être explorées :
1- Rendre disponible un
numéro vert d’appel pour recevoir, écouter, conseiller, orienter et soutenir les victimes
de harcèlement et de violences qui peuvent garder leur anonymat ou volontairement décliner leur identité.
Pour sécuriser la victime, une disposition doit pouvoir condamner sévèrement
les agents de ces centres d’appels qui divulgueraient des informations ou se
rendront auteurs des fuites d’information, alors que des enquêtes seraient en
cours pour réprimer les auteurs. Les données personnelles des présumés auteurs
et victimes devront être traitées suivant la loi n° 2009-09 portant protection
des données à caractère personnel en République du Bénin ;
2- Elaborer ou faire
revisiter le Code de valeurs, d’éthique et de bonne conduite de
l’Administration béninoise qui énoncera les valeurs professionnelles, d’éthique, de
bonne conduite et celles liées aux personnes ;
3- Installer, au sein de la Direction de l'Adminsiraton de chaque structure administrative centralisée,
déconcentrée et décentralisée ainsi que dans chaque office public/parapublic,
un «Service d’Ethique et
déontologie administrative et professionnelle (SEDAP)» dirigé par un responsable
assermenté, formé et chargé de veiller à l’application stricte du Code de
valeurs, d’éthique et de bonne conduite dans l’administration béninoise. Ce
service se chargera, chaque année de faire un renforcement de capacité
obligatoire pour tous les fonctionnaires de leur administration sur les
questions de bonne conduite et d’éthique. Au quotidien, il recevra les plaintes
des présumés victimes d’harcèlement et y apporter des solutions, dans la
protection totale du/de la plaingant(e). Tous
les SEDAP devront reporter au Secrétaire général de la présidence ou son
adjoint désigné de manière périodique, avec copie au Ministre/autorité de
tutelle, des manquements observés et des solutions apportées en temps opportun ;
4- Faciliter et assouplir les
procédures de saisine des tribunaux de première instance en matière de harcèlement
sexuel et moral avec la possibilité pour les victimes d’obtenir des décisions
en référé, en raccourcissant les moyens, délais et procédures.
La question du harcèlement n’est pas nouvelle, mais
des mesures nouvelles plus institutionnalisées devront pouvoir déraciner le mal
et promouvoir la bonne conduite dans nos administrations publiques. Et dans
cette démarche, le président Patrice Talon a sûrement, à priori, le soutien de
tous les agents publics consciencieux et des citoyens de ce pays !
Octavio Diogo est un juriste béninois dans la Diaspora africaine. Passionné
des relations extérieures, des affaires politiques et du développement
international, il a servi en diverses qualités, plusieurs missions
diplomatiques multilatérales africaines et américaine avant de mettre ses
compétences au profit de l’organisation intergouvernementale panafricaine. Il
dirige actuellement l’ONG Weziza Afrika qui développe une expertise jeune dans
les domaines de gouvernance, du genre et des Droits de l’Homme sur le
continent.
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