11 novembre 2016

Gouvernance au Benin: Comment Koupaki et Bio Tchané cautionnent l’amateurisme et la médiocrité au sommet de l’Etat


Phote credit: BeninWeb 
On a tant vanté, leur mérite depuis le gouvernement MK1 (Matthieu Kerekou 1), mais les ministres Koupaki et Bio Tchané semblent loin d’être des hommes de rigueur. A peine 8 mois au gouvernement de rupture que les deux candidats malheureux aux dernières présidentielles, qui ont accepté (ou ont voulu) contribuer au développement du pays par leur présence (à tout prix) au gouvernement Talon, font déjà montre de légèreté dans la gestion du pays. Si certains observateurs pensent que le Président Talon, du fait de sa personne « étrangère » à la gestion administrative et publique, n’a point en main le gouvernail du pays, d’autres comme moi d’ailleurs ont tôt fait d’accorder une confiance aveugle aux deux cadres du monde des finances internationales. Le parcours de Koupaki, ancien directeur de Cabinet d’Adrien Houngbédji (en 1996), Ancien ministre du Plan, Ancien Ministre des Finances, et ancien premier ministre, demeure une raison suffisante pour se demander s’il rend service au Benin en étant l’actuel « tout puissant » Ministre d’Etat. Ma légitime peur reste que le ministre Koupaki vienne encore dans 3 ans, comme il sait habillement le faire, se dédouaner et se désolidariser de la gestion de Talon ! L’excuse ne pourrait non plus jouer en faveur du Ministre Tchané qui semble-t-il être très occupé par le développement du pays au point de compromette sa « rigueur » chèrement vendue aux béninois lors des campagnes électorales. C’est à son risque et péril que, lors de son installation, il a laissé entendre ouvertement aux pseudo-cadres placés dans son département ministériel par erreur par abus du régime défunt, d’y rester. Il avait naïvement cru que ses futurs collaborateurs avaient de la matière. Mais non !

De quoi s’agit-il exactement ?

Avez-vous lu le document intitulé « programme d’action du gouvernement 2016-2021 » (PAG), produit par la Direction Générale des politiques de développement du Ministère du plan et du développement et qui serait adopté par un conseil des ministres de fin Août 2016 et largement diffusé par les medias en ligne ? Si non, vous seriez déçu de savoir qu’il a été fait avec précipitation, dans un esprit de désinvolture totale, d’amateurisme, avec une prime à la médiocrité de haut standing dans la rédaction d’un document stratégique rendu public. Rassurez-vous: je suis Taloniste, mais on ne peut tolérer une médiocrité de cette taille à la tête d’un pays. Ce serait une insulte à l’intelligence de ses diplômés et citoyens !

A première lecture, ledit document dénote d’un amateurisme notoire dans la rédaction de document stratégique dans sa forme de présentation qui aurait pu avoir l’aspect d’un document scientifique comportant un préface qui relaterait les études, audits et états des lieux effectués par le gouvernement Talon dans les 6 premiers mois ou, à défaut, ceux dont le gouvernement entend exploiter, ainsi qu’une table de matières et des chapitres, sous titres et autres, bien élaborés. L’absence chronique de graphiques et, tout au moins, de scorecards a laissé place à un trop plein de littérature rendant le programme, tel que présenté et publié, de qualité moindre qu’un projet d’exposé d’un élève du collège. En plus, le document aurait pu être toiletté des fautes de grammaire et de conjugaison qu’il regorge, lesquelles incorrections ne devraient nullement venir d’un si haut lieu. Ledit document aurait pu aussi être décongestionné de ses répétitions inutiles sur plusieurs lignes. Cela donne une impression qu’on a plutôt cherché à remplir les pages pour en venir forcement à 23, alors même 10 pages bien rédigées en vaudraient largement mieux. Au pire des cas, on pourrait confier un tel document à un étudiant en fin de cycle doctoral avec pour tache de le rendre lisible, scientifique et professionnel. Cela aurait rien couté à l’état, en tout cas, pas le 10ème  des sous engloutis dans les commissions réformatrices!

Si la forme a déjà manqué de sérieux, n’avons-nous pas de bonnes raisons de présumer de ce que le fond serait moins sera bon, moins consistant, moins sérieux et moins pertinent?

Sur le fond, le plan d’action du gouvernement a manqué de faire l’historique et de souligner les causes de l’insuccès du/des plan(s) des gouvernements précédents dans l’atteinte des nobles objectifs de développement national, dans un cadre global. C’est le minimum qu’on pourrait demander ! En plus, il  aurait pu aussi mentionner, dans un chapitre approprié et dédié, les cadres juridiques, politiques et institutionnels qui sous-tendent la rédaction du document. Loin d’être un professionnel chevronné de la planification, le document pourrait avoir été mieux produit.  

Une gouvernance opaque ! 
Dans le libellé actuel du PAG, le gouvernement s’est attardé sur la reddition de compte des collectivités locales beaucoup plus que sa propre reddition de compte ainsi que ses stratégies devant permettre au peuple de le suivre. On aurait souhaité avec plus d’éléments sur cet aspect de la gouvernance centrale ! Qu’on ne s’en trompe guerre : le point de presse des conseils des ministres, même déjà opaques dans son contenu, la nouvelle tendance d’utilisation des réseaux sociaux par le gouvernement pour sa communication, ne sauraient remplacer un mécanisme de reddition de compte complet sur les avancées de notre pays vers le progrès. D’ailleurs, le fameux plan d’action du gouvernement ne fait que confirmer les soupçons qu’ont fait naitre la décision de suspension des contrats des médias privés pour la communication du gouvernement. Et même si la super direction que dirige Edouard Loko devrait s’en charger, 7 mois auraient déjà suffit pour la faire fonctionner adéquatement et éviter des publications uniquement sur les réseaux sociaux de certaines décisions ou leur clarification.

Somme toute, le «programme d’action du gouvernement 2016-2021» a manqué d’incorporer la valeur «excellence» professionnelle dans sa planification, conception, rédaction et publication. Si le gouvernement Talon veut donner l’impression de maitriser la gestion d’un pays et nous amener à bon port, il va lui devoir revoir sa copie, et maintenant. La confiance n’excluant pas le contrôle, on ne peut excuser les ministres Koupaki et Tchané d’avoir trop fait confiance en leurs plus proches collaborateurs pour ne pas «re-parcourir» le document final avant sa publication. On peut tromper les profanes, mais il y a des signes qui ne trompent pas lorsqu’une certaine dose de désinvolture s’invite dans la gouvernance. Koupaki et Tchané ont leur honneur à y jouer, et nous ne dormirons pas !